Remote: office not required
La sortie du nouveau livre de 37signals “Remote: Office not
required” est une bonne excuse pour se pencher sur la pratique du
télétravail.
Cela fait un certain temps qu'af83 emploie des télétravailleurs, et on espère
continuer sur cette lancée. Malgré des bureaux spacieux, agréables, et remplis
de bisounours, certains décident de ne pas s'y attacher toute l'année, et ce de
façon plus ou moins engagée :
- l'impromptu pour prendre rendez-vous avec votre électricien préféré qui a
promis de passer entre 9h et 18h, - le pratique qui travaille à distance quelques jours par semaine, ou
quelques semaines par mois, - et le complet qui travaille à distance toute l'année ou plusieurs mois par
ans : cela inclut des développeurs en France comme à l'étranger (ce billet
est écrit depuis le Mexique).
Évidemment, plus loin on habite de nos bureaux parisiens, plus on tend à se
retrouver dans la catégorie "complet" pour des raisons pratiques.
Le livre de 37signals donne plusieurs exemples d'entreprises américaines
fonctionnant ainsi, mais il me semble naïf de croire que les pays européens sont
tous à la traîne. Si cette façon de travailler est séduisante pour tous et
existe depuis plusieurs années, alors pourquoi ce regain d'intérêt seulement
maintenant ? Simplement parce qu'on a depuis peu les technologies permettant de
le faire efficacement.
Il serait naïf de vouloir condenser tout le bouquin dans un seul petit billet.
Néanmoins, il est intéressant de rappeler quelques idées qui pourraient
encourager d'autres à se lancer :
- Vous gagnerez en productivité
- Vous ferez plus attention à ce qui est produit, plutôt qu'à ce que
raconte votre pointeuse. - Vous trouverez des compétences partout lorsqu'elles ne sont pas
disponibles sur place. - Vous économiserez les transports jusqu'au bureau ; et potentiellement, vous
n'aurez plus besoin de bureaux aussi grands. - Vous pourrez vivre loin de La Grande Ville si cela vous chante.
- Vous utilisez probablement déjà des outils prévus pour le travail à distance
et asynchrone (e-mail, Github, Dropbox, IM, etc.).
Auto-critique parfaitement objective
Plus qu'une révélation pour nous, le livre a été l'occasion de comparer
nos pratiques avec certains conseils donnés par ces messieurs Jason
Fried et David Heinemeier Hansson. Je propose ici une petite séance
d'auto-critique, parfaitement objective évidemment.
Partager toute l'information avec tout le monde
Difficile de dire que l'on s'en tire bien. Certes, tout notre code source est
versionné sur des dépôts Git, et l'on partage tout au long de nos projets sur
les supports préférés de nos clients (de Trac, à Trello, en
passant par Basecamp).
Mais nous utilisons aussi beaucoup Dropbox pour partager d'horribles
formats de documents non-libres. C'est là que le bât blesse car tous n'ont pas
le même accès au service. On semble parfois privilégier l'attitude militaire
need to know qui consiste à réserver l'accès au strict minimum au plus petit
nombre possible.
C'est un frein au travail asynchrone que de devoir attendre l'accès aux
ressources nécessaires au moment opportun. Sans parler du plaisir égoïste
qu'ont certaines personnes à détenir ce genre de clefs…
Communiquer plus avec vos collègues à distance
Même le plus grand des introvertis a une vie de bureau, il rencontre ses
collègues (sans le vouloir) autour de l'imprimante (en panne), ou face à la
machine à café, etc.
Ce n'est plus le cas lorsque l'on travaille à distance. Papoter avec vos télé-
collègues (par téléphone, ou Google Hangouts, ou …) est un bon moyen de
désamorcer d'éventuels problèmes sans devoir attendre un entretien annuel
souvent plus formel.
Certes nous sommes tous connectés sur IRC tout au long de la journée, et
on dispose tous de numéros VOIP personnels, mais il nous manque encore
le déclic qui fait qu'on passera 20 minutes à "socialiser".
Recouper les horaires
Nos horaires à Paris ont tendance osciller entre 9-10h le matin jusqu'à 18-19h
l'après-midi. Par exemple, travaillant depuis le Mexique, je me suis longtemps
contenté de ne recouper qu'une heure ou deux avec mes collègues français.
C'était parfait pour limiter les interruptions, mais mauvais pour le travail
d'équipe car travailler à distance ne veut pas dire travailler seul.
Finalement, en commençant plus tôt le matin, je travaille plus longtemps avec
la France et finis plus tôt l'après-midi.
Faciliter la communication
On s'améliore toujours, mais aujourd'hui nous utilisons déjà :
- des mailing-lists,
- plusieurs canaux IRC plus ou moins sérieux,
- des vidéoconférences via Skype, Google Hangout (…),
- des salles de conférences accessibles via SIP (chacun disposant d'un
numéro personnel), - un serveur VPN pour faciliter le pair-programming à distance,
- des outils de gestion de projet facilitant le travail asynchrone :
Github, Basecamp, Trello, etc.
Doucement sur les réunions
Toute personne invitée à une réunion est aussi invitée à se demander si
elle y a sa place, et à en sortir si ce n'est pas le cas : en tout état
de cause, inviter un développeur à une réunion est une chose difficile
tant nous sommes résistants à la pratique. Le temps de chacun est
précieux, et on évite de le gâcher.
Cinq personnes dans une réunion d'une heure, ce sont cinq heures de
consommées. De façon hebdomadaire, à l'échelle d'une année, ces calculs
amènent à des montants assez alarmants.
De même, nous ne faisons que très rarement de stand-up regroupant tout af83 :
nous sommes trop nombreux pour pratiquer ce genre de rituel où chacun prendrait
la parole, et n'y avons jamais trouvé de grande valeur.
À travail égal, salaire égal…
Les salariés en télétravail sont considérés comme les salariés au bureau. Il
n'y a pas de discrimination et il n'y a pas lieu d'y en avoir : un employé génial
reste génial où qu'il se trouve.
Enfin, plutôt que de penser qu'on pourrait payer moins cher un développeur de
Picardie qu'un développeur d'Île de France. Il semble plutôt intelligent de
payer un salaire parisien à un développeur de Picardie : non seulement il
sentira qu'on lui accorde la même valeur qu'au reste de l'équipe, mais il sera
beaucoup plus difficile de le débaucher.
Se rencontrer tous, plusieurs fois par an
Chez af83, on organise une fois par an ce que l'on appelait au départ une code
week, avant de la renommer dernièrement af83 week (parce qu'on ne fait pas
que coder).
Le principe est simple : on se retrouve tous en dehors des bureaux
quelques jours parce que rien ne remplace le contact humain. C'est
évidemment l'occasion de travailler sur nos projets, et de
décompresser avec quelques bières.
Maîtriser l'écrit
Si vous avez lu jusqu'ici, c'est qu'on ne s'en sort pas trop mal. Plus
sérieusement, le télétravail implique de savoir communiquer par écrit parce
qu'une personne qui ne peut pas aligner trois phrases aura beaucoup de mal à se
faire comprendre. Et quand la communication ne se fait pas correctement, comment
peut on espérer avancer ?
On trouve beaucoup plus facilement de littérature en anglais sur l'art et la
manière d'écrire ou la difficulté de communiquer, mais une grande partie
des conseils sur la clarté du style sont valides pour le français également.
Pour conclure
Il est intéressant de comparer non pas une entreprise à une autre ici, mais
plutôt d'essayer de se situer face aux pratiques du marché. Le modèle de
37signals est sans doute très adapté aux États-Unis, mais que peut on retirer de
leur expérience sur notre territoire ?
Le télétravail est d'autant plus facile à mettre en place qu'une entreprise est
jeune : tous les outils sont là. Les freins sont comme souvent culturels.
Certes tous les emplois ne s'y prêtent pas : il faudra bien quelqu'un pour
répondre au téléphone sur le même fuseau horaire que vos clients, ou peut-être
certains voudront-ils vous rencontrer en chair et en os tous les lundis à
8h30…
Il est important de ne pas faire semblant de tous avoir le même travail, et
exiger de tous la même présence géographique est inutile. Prétendre que tous
doivent être au même endroit pour produire quelque chose de génial est un peu
idiot : l'exemple immédiat est celui du kernel Linux.
Mais c'est peut-être le sujet d'un autre article.